L'après-midi venait à peine de commencer, et l'air était encore frais. Il ne faisait jamais très chaud sur l'île, les vents qui venaient de la mer suffisaient à tempérer l'ardeur des rayons de soleil. Le ciel était dégagé comme comme il était rare de le voir en mer, et aucun nuage ne semblait décidé à venir faire un peu d'ombre aujourd'hui. Chacun dans le parc profitait du beau temps, et l'apaisement régnait. La cime des arbres oscillait paresseusement au gré du vent : même eux paraissaient se relaxer dans la chaleur ambiante. Enfin, chaleur, tout était relatif.
En passant la porte, malgré une veste par-dessus son pull fétiche, Leonard frissonna. Il n'avait pas froid pourtant. Son paquet de cartes, dans une poche contre sa poitrine, pesait, et il y porta la main. Ce paquet était la seule chose qu'il avait gardé depuis qu'il était ici. Même ses anciens vêtements avaient été changés : trop de risques qu'ils lui rappellent ses soucis "d'avant" avaient dit les médecins. Mais pour le paquet de cartes, le jeune homme avait été intraitable. Il était curieux de savoir ce qu'était devenue sa garde-robe : des vêtements de cette qualité, personne n'aurait osé les jeter. Peut-être attendaient-ils dans un carton, avec d'autres de ses effets personnels. Depuis cinq ans. Cette idée le fit sourire.
Leonard ne faisait plus tellement attention à Viara. Il avait conscience de sa présence à ses cotés, mais pour l'instant, il ne ressentait pas le besoin de parler. Il était bien, détendu. Serein. Les moments comme celui-ci étaient devenus rares, trop rares. Assez paradoxalement, ça n'avait été qu'une fois qu'il en avait été privé que le jeune homme s'était rendu compte qu'il aimait ces instants, qui ne duraient jamais. Comme pour tant d'autres choses, il avait fallu qu'on l'en prive pour qu'il se rende compte de la valeur de ce qui lui avait été retiré.