C'est en sifflotant que "Loris" observait le paysage, le vent et les remous le faisaient doucement valser à la proue du navire qu'il ne tarda pas à quitter. La mer était un milieu qui le mettait mal à l'aise: qui sait le nombre de dangers que pouvaient renfermer ces eaux tumultueuses? Le nouveau Jean Ventadour le regardait avec des yeux plein de reproches, mais il n'en avait cure: les marins avaient l'habitude et l'avaient solidement attaché. Le nouveau gardien se départit tout de même d'un léger sourire satisfait dans sa direction avant de retourner à ses jeux d'esprit.

*Je me demande comment est la vie sur cette île, elle est tellement fermée au monde...ça pourrait ne pas être trop dur d'en devenir le dirigeant.* Et sa conscience vogua sur ses rêves et fantasmes pendant tout le trajet restant, le soulageant un temps de sa peur de l'inconnue. Pourtant, il avait du souci à se faire, sa situation était pour le moins particulière et surtout inhabituelle. Normalement, il changeait de train de vie uniquement après avoir étudier les risques et désavantages de sa nouvelle situation. Or dans le cas présent, seul le hasard l’avait amené ici (selon lui en tout cas) et il n’était absolument pas préparer à endosser sa nouvelle profession.

Le navire arriva à bon port alors même que Loris répertoriait intérieurement les quelques connaissances médicales qu’il avait. Jean Ventadour, son "ancien lui", fût accueillit et rapidement rapatrié vers ce qui semblait être le bâtiment principale. On indiqua à son accompagnant la direction des bureaux : apparemment rien ne lui éviterai un entretien avec de Dr. Hill.
Le dirigeant d’une telle île était certainement membre de différentes organisations secrètes et capable de choses terrible. Il fallait se méfier d'un tel sociopathe plus attiré par l’argent et le plaisir que par son travail !

*Cette île me fait penser à un vieux film des années 2000, Shutter… Shutter… Bof, peu importe.* Il essayait de s’occuper l’esprit comme il pouvait, sans pourtant parvenir à contenir ses frissons de peur.

Enfin, il parvint face à la porte qui affichait fièrement le nom de son propriétaire : Dr. Jake Hill. Il vérifia rapidement sa blouse mal repassée, hésita prêt d’une minute entre frapper, appeler ou repartir, pour finalement se contenter de frapper six coups à la porte.

Une...deux...trois...quatre, trop de temps, pas de réponses. Que pouvait-il bien se passer dans ce bureau? allait-il trouver le cadavre desséché du Dr Hill, assassiné par l'un de ses collègues jaloux? Ou peut-être avait-il une relation avec sa secrétaire...Pas un bruit ne sortait de la pièce et il régnait dans le couloir un silence de mort.

"Loris. Loris Shutter, c'est cela?"

La voix venant de derrière lui le fît sursauter, si l'objectif de son comité d'accueil était de le stresser, c'était réussi. *Mais ça ne marche pas avec moi!* Loris reprit rapidement le contrôle de lui-même et le stress disparut bien vite de son visage. L'individu qui était face à lui ne correspondait absolument pas à l'image qu'il se faisait du Docteur: le professeur fou qu'il s'était imaginé ressemblait davantage à un héros de film américain. Un James Bond des temps modernes: tout de suite la théorie du sociopathe tomba à l'eau pour laisser la place au Don Juan pour malades mentaux...

Mais un élément acheva rapidement les délires de Loris: "SafeCorp®", ce n'était pas le Dr Hill. avait-il appelé la sécurité, Loris était-il déjà découvert? Une goutte de sueur coula le long de sa tempe et il l'essuya distraitement d'un revers de blouse.
Un sourire qu'il voulait sympathique apparut sur son visage mais c'est sur un ton formel qu'il prit la parole.

"Bonjour, je cherche le docteur Hill s'il-vous plait".

Il avait éludé la question du prénom volontairement, ce type avait beau être beau gosse, certainement populaire, il l'avait l'air d'être un simple garde. Et par cette demande simple, Loris avait déjà comme l'impression de le diriger (pour son plus grand plaisir). Il fallait quand même se méfier, il devait être armé et peut être dangereux. Le sadisme était une problème récurent de tout les bon personnages de garde d’hôpital psychiatrique.

Oh... Ainsi il allait parler directement à cet homme. Tant mieux, un psychiatre aurait été bien plus apte à déceler le mensonge dans ses paroles: alors que tout le monde savait évidement qu'il ne mentait pas. Il le suivit en direction de son bureau, tout en surveillant les couloirs en prévision de toute forme de traquenard. Puis, arrivé à la porte, il suivit l'homme sans nom dans la pièce.

La bibliothèque d'Alexandrie à son époque avait dût être moins remplie que ce bureau: des documents s'empilaient sur un bureau où l'on manquait de place. L'imagination débordante de Loris s'imaginait déjà les piles de livres anciens décrivant de non moins vieilles expériences à appliquer aux fous.  

Enfin, les présentation, dans un sens du moins, furent faites. Mademoiselle Stone, Josh Dempson, deux noms à retenir, ce qu'il s'empressa de faire. *Lui, mon supérieur? Aaaaah oui, je suis garde c'est vrai* Il essaya d’intégrer son rôle tant bien que mal, s'imaginant un entretien et les questions à poser. Pour être sûr, il jeta un coup d’œil dans la pièce pour s'assurer de l'absence d'armes.

"Je suis Loris Shutter et j'étais chargé de vous amener le patient Jean Ventadour puis de prendre poste ici même. Je m'excuse de mon anxiété, qui m'a fait oublier ce qu'avait dit Mademoiselle Stone, je ne suis pas encore habituer à cette île. Mais ne vous en faites pas je fais souvent preuve d'un grand talent d'adaptation et je serai être à la hauteur pour ce poste. De plus je suis très honoré de travailler ici dans cet institue si célèbre."

Il ne fallait pas qu'il se laisse avoir par des questions techniques sur son travail... Il fît donc sa méthode habituel: poser la question avant qu'on ne lui pose. Cela le rendait professionnel et impliqué dans son futur travail:

"J'aurai quelques questions techniques si vous le voulez bien. Tout d'abord, à quel type de matériel aurais-je accès? Comprenez, je viens d'un prison pénitentiaire et le traitement de ce que nous gardons là bas est d'un tout autre genre."

Il comprit sa bourde au moment où il parlait: rien ne lui avait appris le passé du véritable Loris Shutter. Il fallait espérer qu'il venait bien d'une prison ou sinon que rien ne soit indiqué sur son CV. ayant l'habitude de jouer la comédie, son trouble ne se perçue guère sur son visage. Il maudit sa sale tendance à mentir avant de réfléchir et se refit une fois le trajet jusqu'au village dans sa tête. *Si je dois fuir, je devrait passer par là...*  

Quel soulagement, tout semblait se passer comme prévus et même sa légère erreur d’inattention était passé inaperçue (par chance). Loris s'efforça de contenir sa joie pour revenir au sérieux de l'entretien.  Ventadour semblait avoir été "pris en charge" et le pauvre individu ne serait plus jamais le même, de plus son remplaçant faisait apparemment bonne impression et bénéficiait d'un passé plutôt positif dans le métier.

Mais, tout cela ne semblait pas suffire à Mr Dempson qui comme tout chef de la sécurité devait être paranoïaque *Une folie atroce, heureusement que je ne l'ai pas* . Ainsi, il avança des questions plus précise sur ce fameux poste de 8 mois: sans se rendre compte qu'il donnait de précieuses informations à son candidat. Informations insuffisantes malheureusement car même le véritable Loris avait éludé son expérience sur le CV...

Il fallait tout de même répondre au plus vite et utiliser tout les avantages de sa situations: *Je suis un inconnue, ce poste de 8 mois devait être particulier et secret, nous sommes dans un milieu qui aime le secret professionnel*

Il se racla la gorge pour se donner un air sérieux, prit des airs de léger malaise avant de finalement répondre à la question.

"C'était en effet dans une prison de haut sécurité, tout ce que je peux vous révéler, à mon grand regret, c'est que cette prison se situe en France et que ma mission consistait à opérer sur un nouveau concept d'incarcération. Ce prototype n'a malheureusement pas aboutit et a été abordé à 8 mois."

Il fallait rapidement changer de sujet, montrer la délicatesse du sujet afin que son interlocuteur est l'impression de l'embarrasser en posant davantage de questions. Il embraya:

"Désolé de me montrer insistant, mais vous n'avez pas répondu à ma question sur le matériel. J'aimerai aussi, si possible, avoir accès aux dossiers des patients ainsi qu'un plan de l'île. Comprenez que je ne veux faire aucune erreurs dans ce poste très délicat..."

Devenir le chef de cette île, faire une révolte et proclamer un nouvel état indépendant grâce aux produits bien connus et mystérieux nommés... Psychotropes. Le projet se dessinait de mieux en mieux dans la tête de Loris qui, avec son poste, aurait de nombreuses portes ouvertes et la main mise sur la vie de nombreux patients... qui pourraient l'aider bien entendu.

Il voulait en terminer avec cet entretien? Parfais, plus celui-ci durait et plus Loris prenait de risques. Surtout qu'il le sentait devenir plus impliqué et plus méfiant au fur et à mesure des questions.

"Je m'adapterai à vos méthodes et habitudes bien entendu."

C'était le moment de mettre fin définitivement à cette délicate situation *Il aura l'occasion de me soupçonner une autre fois*

"Je ne voudrais pas vous retenir davantage dans votre travail, je crois que je vais pouvoir me débrouiller. Je vous remercie encore du temps que vous m'avez accordé."

Il avait réussit la "première épreuve", du moins il le croyait, car un chef de la sécurité se devait d'être toujours soupçonneux et sur le qui-vive. La suite risquait d'être plus difficile, immergé dans un centre pour fou où le personnel était trié sur le volet: pourrait-il tenir son rôle éternellement? La nouveau Jean parviendra t-il à prouver sa bonne foi? Une chose était sûre, il devait l'éliminer.